Les Sarcocystis sont des parasites intracellulaires obligatoires qui appartiennent à la sous-classe des coccidies (au même titre que Cyclospora, Cystoisospora ou Cryptosporidium par exemple). Ils sont largement répandus dans l’environnement avec plus de 200 espèces connues à ce jour, parmi lesquelles moins d’une dizaine sont capables d’infecter l’Homme (1). Le cycle parasitaire de type proie-prédateur, comprenant obligatoirement ces 2 hôtes, est responsable de sarcocystose musculaire chez l’hôte intermédiaire (la proie) et de sarcocystose intestinale chez l’hôte définitif (le prédateur, carnivore ou omnivore). Ainsi, l’Homme peut être soit hôte définitif soit hôte intermédiaire en fonction du mode de contamination et de l’espèce de Sarcocystis en cause (2).
Des études complémentaires sont donc nécessaires afin de mieux évaluer la prévalence de cette infection chez l’Homme. A l’inverse, les études sur le bétail, et notamment les bovins, plus récentes et plus nombreuses montrent que la quasi-totalité des carcasses sont contaminées par au moins une ou plusieurs espèces de Sarcocystis ce qui suggère que l’Homme doit régulièrement être infecté par ce parasite (5).
Pour certaines espèces de Sarcocystis, l‘Homme peut constituer une impasse parasitaire en étant lui-même hôte intermédiaire chez lequel le parasite va former des kystes dans les tissus musculaires responsables de sarcocystose musculaire humaine. La contamination s’effectue alors par consommation d’aliments ou d’eau souillés contenant des oocystes/sporocystes de Sarcocystis qui représente la forme de résistance dans l’environnement issue de la reproduction sexuée du parasite chez l’hôte définitif. Le réservoir des espèces en cause serait habituellement les primates non-humains, avec comme hôte prédateur les reptiles. Une espèce nommée Sarcocystis nesbitti à récemment était décrite dans des cas de sarcocystose musculaire chez les singes ainsi que chez l’Homme avec comme hôte définitif le plus probable les serpents (2). La littérature rapporte des prévalences élevées de sarcocystose musculaire humaine, jusqu’à plus de 40%, dans les régions ou l’Homme vit en proximité directe avec les singes et les reptiles notamment l’Asie du sud-est. Deux épidémies bien documentées et assez récentes ont par ailleurs été décrites en Malaisie (6,7). Dans les pays occidentaux, les prévalences rapportées sont beaucoup plus faibles voire nulles selon les études, mais là encore les données sont rares et nécessitent confirmation (5).
Globalement, peu de données précises sont disponibles sur la symptomatologie et la durée de l’infection. La plupart des cas rapportés présentent de nombreuses lacunes notamment du fait de la difficulté à diagnostiquer une sarcocystose qui n’est soit pas recherchée du tout soit avec des méthodes peu sensibles (1). Des études complémentaires et précises sont absolument nécessaires pour rendre compte de la réalité de ces infections.
Les données concernant la symptomatologie de la sarcocystose intestinale humaine sont rares et reposent principalement sur l’ingestion par des volontaires sains de viande insuffisamment cuite et contaminée soit par Sarcocystis hominis (bœuf) soit par Sarcocystis suihominis (porc). L’infection peut passer inaperçue ou entraine généralement diarrhées et douleurs abdominales. D’autres symptômes tels que ballonnements, perte d’appétit ou constipation ont également été décrits ainsi que la présence d’hyperéosinophilie. Les infections à S. suihominis sont considérées plus bruyantes que celles à S. hominis avec en plus nausées, vomissements et/ou fièvre. Les premiers symptômes apparaissent quelques heures après l’ingestion avant même la multiplication du parasite dans les cellules intestinale et pourraient être dus à la présence d’une toxine (sarcotoxine ou sarcocystine). La quantité de viande contaminée et donc de sarcocyste ingérée serait également à l’origine de la variabilité des symptômes observés, qui peuvent perdurer jusqu’à plusieurs semaines. L’excrétion des oocystes/sporocystes dans les selles ne commence qu’à partir du 9ème jour post-infection et peut perdurer plusieurs mois (1,2).
Peu de cas de sarcocystose musculaire ont été bien décrit dans la littérature. Les données proviennent essentiellement d’autopsies ou d’épidémies. Des sarcocystes peuvent être retrouvés un peu partout dans le corps humain (langue, nasopharynx, muscle pectoral, cœur, cuisse, bras…). Les symptômes associés sont à type de fièvre, asthénie, maux de tête, toux, arthralgie, myalgie et/ou œdèmes localisés. Au niveau biologique, on note une augmentation des éosinophiles, des enzymes hépatiques et de la créatine phosphokinase (CPK). Les symptômes qui mettront plusieurs jours à apparaitre peuvent ici aussi perdurer de quelques jours à plusieurs mois (1).
1. Fayer R, Esposito DH, Dubey JP. Human Infections with Sarcocystis Species. Clin Microbiol Rev. 2015.
2. Dubey JP, Calero-Bernal R, Rosenthal BM, Speer CA, Fayer R. Sarcocystosis of Animals and Humans. CRC Press. Boca Raton, Florida. 2015.
Le prélèvement à réaliser dépend du type d’atteinte suspecté. En cas de sarcocystose intestinale, la recherche de Sarcocystis s’effectuera sur des selles. Classiquement, le diagnostic est posé par la visualisation en microscopie des oocystes/sporocystes. Une répétition de l’examen sur 3 selles espacées de plusieurs jours est indispensable tout comme l’utilisation de techniques de concentration, les oocystes/sporocystes étant excrétés en très faible quantité. L’autre difficulté diagnostic repose sur le délai et la durée entre l’apparition des symptômes et l’excrétion des oocystes dans les selles : une recherche microscopique en tout début de symptomatologie ne permettra pas de mettre en évidence d’oocystes/sporocystes de même que l’excrétion de ces derniers pourra perdurer après disparition des symptômes (1). Il n’existe pas de coloration spécifique des oocystes/sporocystes qui prennent très aléatoirement la coloration de Ziehl-Neelsen utilisée habituellement pour les coccidies et qui est donc à proscrire pour la recherche de Sarcocystis. Cependant, les oocystes/sporocystes sont autofluorescents sous les UV ce qui facilite grandement leur détection au microscope à fluorescence. Les oocystes sont en pratique constitués d’une paire adjacente de sporocystes relié par une membrane pratiquement invisible et fragile si bien qu’il est plus fréquent de visualiser des sporocystes individualisés. Ces derniers mesures en moyenne 10 x 14 µm et contiennent 4 sporozoïtes mais ne permettent pas de différencier les espèces entre elles, sur la base de la microscopie (2). Etant donnée la difficulté du diagnostic et le niveau d’expertise requis, la détection moléculaire de Sarcocystis permettrait un gain de sensibilité notable avec de plus la possibilité d’identifier l’espèce en cause. A ce jour, aucune méthode moléculaire n’est commercialisée, seules quelques PCR maisons ont été utilisées principalement sur tissus animaux pour des études vétérinaires, et une seule sur selle humaine (1,3).
En cas de sarcocystose musculaire, seule la détection de sarcocystes dans un échantillon de biopsie musculaire confirme le diagnostic. Aucun test sérologique n’est à ce jour disponible en routine. Les sarcocystes étant distribués de manière diffuse et donc difficiles à trouver, une imagerie par résonance magnétique (IRM) serait utile pour orienter le site de biopsie musculaire. La visualisation sur coupe histologique et/ou l’amplification moléculaire du Sarcocystis confirme alors le diagnostic avec la possibilité d’identifier l’espèce en cause (4,5). Actuellement de découverte fortuite sur biopsie ou autopsie, la mise au point d’une PCR en temps réel détectant l’ADN parasitaire dans le muscle, ou même dans le sang en début d’infection lors de la circulation du parasite, faciliterait le diagnostic de cette pathologie encore sous-estimée.
Aucun consensus n’existe pour le traitement de la sarcocystose intestinale humaine. Seuls quelques cas anciens rapportés de la littérature ont utilisé diverses molécules (dithiazanine, pyrimethamine + sulfisoxazole, acetylspiramycin) sans efficacité (1). Un seul cas plus récent mais douteux fait part de l’utilisation de cotrimoxazole (4, 6).
Concernant la sarcocystose musculaire, aucun traitement de référence n’a également été approuvé. L’utilisation d’antiparasitaire comme le cotrimoxazole ou l’albendazole, et/ou d’anti-inflammatoires comme les corticostéroïdes semblerait améliorer la symptomatologie chez certains patients mais aucune étude protocolisée n’a été réalisée à ce jour. L’association pyriméthamine-sulfadiazine a démontré son efficacité in vitro sur culture cellulaire de Sarcocystis neurona (4).
Pour prévenir la sarcocystose intestinale, la viande doit être bien cuite (60 °C à cœur) ou congelée (-20°C pendant au moins 2 jours) pour tuer les bradyzoïtes présents dans les sarcocystes (1).
Pour prévenir la sarcocystose musculaire, il faut veiller à ne pas consommer d’eau ou d’aliments potentiellement souillées. Ici aussi, la cuisson permet de tuer les oocystes/sporocystes, sinon il faut préférer boire de l’eau potable ou en bouteille, bien laver les crudités, fruits, plantes aromatiques… (4).
Service de parasitologie
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Service de parasitologie-mycologie – Centre de biologie
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Laboratoire de Parasitologie Mycologie
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